Liberté de la presse et promotion des droits humains: Le CIFDHA salue le sacrifice « inlassablement consenti » par la presse burkinabè

 Le Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) salue le sacrifice « inlassablement consenti » par les journalistes burkinabè dans l’exercice de leur profession. En cette date consacrée à la liberté de la presse dans le monde, le centre appelle à l’opérationnalisation de l’Autorité nationale d’accès à l’information publique (ANAIP) et à un dialogue civilo-militaire pour renforcer la liberté de la presse.

 

Ce jour 3 mai 2016, le monde célèbre la journée mondiale de la liberté de la presse sous le thème « Accès à l’information et aux libertés fondamentales – C’est votre droit ! ». Notre pays a choisi de mettre en avant un thème national sur: « La presse burkinabè face au renouveau démocratique ! » à l’occasion de cette célébration. Le Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) saisit l’occasion de cette double commémoration pour saluer le sacrifice inlassablement consenti par les journalistes dans l’exercice de leur profession, le rôle qu’ils assument dans la promotion et la défense des droits humains, et la contribution qui fut la leur dans le processus électoral 2015.

Cette célébration est surtout l’occasion pour nous de faire le bilan de la liberté de la presse au Burkina Faso au cours de l’année écoulée. Nous nous réjouissons légitimement des évolutions positives et des acquis en la matière. Au titre de ces acquis, on note la dépénalisation effective des délits de presse, l’adoption de la loi sur l’accès à l’information et aux documents administratifs, ainsi que différentes mesures d’accompagnement de la presse privée. Ces évolutions valent aujourd’hui à notre pays de se hisser dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontière (RSF) au niveau mondial à la 42ème place sur 180 pays – en 2015, le Burkina Faso était à la 46ème place mondiale – et à la 5ème place en Afrique.

Toutefois, ces acquis ne doivent pas nous faire oublier que 2015 a été l’une des années les plus sombres de la liberté de la presse au Burkina Faso. En effet, à l’occasion du coup d’Etat de septembre 2015, la presse a été une cible de choix des soldats du Régiment de sécurité présidentielle. Les radios ont été coupées à Ouagadougou et de nombreux autres ont subi des dégradations à l’occasion d’expédition punitives ciblées: Radio Oméga, Radio Savane FM, Radio Laafi (Zorgho), etc. Des journalistes ont été agressés physiquement et leur matériel confisqué ou détruit. Avec Amnesty International, nous avons rencontré le personnel de Radio Oméga qui a subi l’incendie de plusieurs motos, ainsi que le photographe Jean Jacques Konombo qui a été frappé à coups de pieds et de ceinturon par plusieurs soldats, jusqu’à ce qu’il perde connaissance; son appareil photo et outil de travail a été détruit. A ce jour rien ne semble avoir été fait par l’Etat pour dédommager ou soutenir les journalistes victimes, alors même que l’instruction du coup d’état par un tribunal militaire ne semble pas permettre à ces victimes d’être parti à la procédure et de bénéficier de réparation.

Le début de l’année 2016 a vu encore une intrusion de forces de défense et de sécurité dans l’activité des médias notamment à la RTB dont les journalistes ont été contraints d’arrêter une édition spéciale consacrée aux attaques terroristes du 15 janvier 2016. Par ailleurs, des journalistes ont eu une séance d’explication avec la justice militaire en février 2016 à la suite de la publication d’articles sur des pressions supposées pour la levée de mandats d’arrêt émis par l’institution. Enfin, le journal L’Evénement a fait l’objet de suspension par le Conseil supérieur de la communication (CSC) pour avoir publié des informations sur des sites militaires jugés sensibles. Tout ceci vient rappeler la difficulté de collaboration et de compréhension entre les hommes de médias et les forces de défense et de sécurité. La conciliation entre le droit à l’information et le droit à la sécurité avec ses implications en termes d’obligations de la part des acteurs qui en ont la charge est loin d’être acquis. C’est pourquoi le CIFDHA appelle à:

– la formation et la sensibilisation des forces de défense et de sécurité, notamment la haute hiérarchie, sur la liberté de la presse et le droit à l’information;

– la formation des journalistes sur le respect des exigences en matière de défense et de sécurité dans un contexte de menaces accrues;

– promouvoir le dialogue civilo-militaire et en particulier celui entre les militaires et les journalistes pour la compréhension respective des droits et devoirs de chaque corps;

– opérationnaliser l’Autorité nationale d’accès à l’information publique (ANAIP), afin qu’elle joue effectivement son rôle de gestion et de contrôle de l’accès à l’information et aux documents publics.

Convaincu que sans une presse plurielle, libre et indépendante, il n’y a point de démocratie ni de garantie possible des droits humains, le CIFDHA réitère sa proposition pour que, dans le cadre des réformes à venir, le pluralisme médiatique intègre les dispositions intangibles de la Constitution de la 5ème République au même titre que le système multipartite.

Enfin, le CIFDHA remercie tous les organes de presse qui l’ont très généreusement accompagné au cours de l’année écoulée dans ses activités de promotion et de défense des droits humains et formule le vœu que ce partenariat puisse se renforcer.

Urbain Kiswend-Sida YAMEOGO

Président du CIFDHA